Oedème des membres postérieurs chez quatre rainettes de White (Dryopsophus caeruleus) Cas clinique, culture bactérienne et modification du traitement
16 juin 2025

Résumé
En janvier 2025, quatre rainettes de White hébergées en milieu contrôlé ont présenté simultanément une enflure localisée au niveau des pattes arrière. Un examen réalisé par l'équipe de biologistes au sanctuaire a révélé une accumulation de liquide lymphatique dans les cuisses. De prime abord, on envisage deux possibilités : infection fongique ou bactérienne. Le cas présente un intérêt clinique puisqu'il s'agit d'une première chez Éducazoo et parce qu'il existe une évolution différente face à l'infection chez les quatre individus, de la réponse au traitement initial et de la persistance de l'infection chez l'un des sujets. Cet article décrit les différentes étapes de la prise en charge, l’analyse microbiologique ainsi que l’adaptation du traitement pour l'un des individus.
Présentation du cas clinique
Symptômes et observation initiale
Quatre rainettes de White (Dryopsophus caeruleus), hébergées dans 3 différents habitats à raison d'un duo et de deux individus solitaires, ont été observées avec un œdème présents au niveau des deux pattes postérieures. Les animaux demeuraient actifs et s'alimentaient correctement, mais un gonflement important était observable et semblait progresser rapidement. L’accumulation de liquide suggérait une perturbation au niveau du drainage lymphatique, possiblement d’origine infectieuse.
Rôle du système lymphatique
Ce système occupe une place importante dans le bon fonctionnement du corps. Il sert notamment à assurer un bon maintien de l'équilibre des fluides corporels, joue un rôle dans les défenses immunitaires et aide à l'élimination des déchets cellulaires. Il s'active en parallèle avec le système circulatoire (sanguin). Chez les amphibiens, ce système est d'autant plus important qu'il permet de réguler la pression dans les tissus et de répondre aux infections cutanées. Leur peau étant mince et fragile les expose davantage à ce genre d'infections, d'autant plus qu'ils vivent en milieux humides. Ces milieux sont favorables à la croissance de micro-organismes infectieux.
Isolement et précautions
Dès l'apparition des symptômes, chaque rainette a été placée en isolement dans notre salle de quarantaine. Cette décision visait à limiter les risques de transmission interindividuelle et à éviter la transmission potentielle de ces micro-organismes à nos amphibiens sains. Bien qu'à cette étape, nous ne soyons pas en mesure de déterminer avec précision la nature du micro-organisme affectant nos rainettes, toutes les précautions nécessaires ont été prises pour contenir l'infection à ces quatres amphibiens.
Consultation vétérinaire et traitement initial
Une consultation vétérinaire a eu lieu le 23 janvier 2025. Les symptômes présents et l'absence de signes systémiques graves ont permis à la vétérinaire de prescrire un antibiotique à spectre large pour lequel beaucoup de micro-organismes ont développé une sensibilité. Un traitement au Baytril (énrofloxacine) a été instauré sous forme topique, c'est-à-dire appliqué directement sur la peau entre les omoplates. Les amphibiens étaient ensuite conserver pour un minimum de une heure dans un habitat secondaire vide afin de permettre la bonne absorption du médicament. Une surveillance quotidienne de l’état de santé de chacune des rainettes était réalisée et notée dans leur fiche de soin respective.
Le protocole décrit par la vétérinaire prévoyait un traitement prolongé tant et aussi longtemps qu'une amélioration était observée.
Évolution clinique : résorption pour trois individus
Au fil des semaines, les quatre rainettes ont montré une amélioration marquée avec une diminution de la quantité de liquide lymphatique dans les membres postérieurs jusqu'à la disparition complète de celui-ci. Le traitement a été poursuivi jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de signes de l'infection pendant plusieurs jours. En l’absence de rechute ou de signe de récidive, le traitement a été interrompu le 4 mars 2025 pour les quatres individus. À ce jour, aucun retour des symptômes n’a été noté pour trois des rainettes, et leur état demeure stable.
Rechute et investigations complémentaires
Chez la quatrième rainette, les symptômes sont réapparus le 2 mai, environ de deux mois après l’arrêt du traitement. Pour cet individu, le traitement au Baytril n'aura pas été suffisant pour éliminer tous les micro-organismes. Devant cela, une nouvelle visite de la vétérinaire a été effectuée. Le 8 mai, une ponction du liquide lymphatique a été réalisée directement au site de l'oedème afin d'envoyer le tout au laboratoire pour une analyse précise des agents pathogènes en cause dans cette infection.
Résultats de culture et ajustement du traitement
La culture a révélé la présence de trois agents pathogènes opportunistes :
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Citrobacter freundii
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Acinetobacter sp.
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Myroides sp.
Certains de ces micro-organismes sont connus pour leur résistance aux antibiotiques standards et plus précisément au Baytril.
En fonction de ces résultats, le traitement a été ajusté afin d'assurer un résultat efficace en choisissant un antibiotique pouvant venir à bout spécifiquement de ces trois micro-organismes : triméthoprime-sulfaméthoxazole (TMS), reconnu pour son efficacité contre plusieurs entérobactéries et bacilles à Gram négatif.
État actuel et pronostic
La rainette affectée est toujours sous traitement au TMS à ce jour. Une amélioration partielle de l’enflure a été observée, et l’évolution continue d’être suivie quotidiennement. Son comportement demeure normal, elle s'alimente, et aucun autre symptôme systémique n’est apparu. Le pronostic est réservé à court terme, mais nous avons bon espoir que le nouvel antibiotique viendra à bout de ces trois agents pathogènes.
Conclusion
Ce cas met en lumière l’importance d'offrir :
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Une surveillance rigoureuse des animaux lorsqu'ils sont hébergés en groupe ;
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Un isolement précoce en présence de symptômes inexpliqués ;
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Et surtout, l'apport qu'une culture bactérienne peut offrir dans le diagnostic d'une maladie infectieuse lorsque la réponse initiale à un traitement est insuffisante.
Remerciements
Nous remercions la vétérinaire impliquée pour sa disponibilité ainsi que l’équipe de soins pour le suivi quotidien attentif qui a permis une récupération rapide pour la majorité des individus concernés.